Charte éthique
Par cette charte, les autorités, services, organismes et professionnels intervenant dans le processus d’adoption, s’engagent au respect de valeurs, de critères et de finalités dans la mise en œuvre du cadre légal international (en particulier la Convention de La Haye sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale, la Convention des Nations-Unies relative aux droits de l’enfant et la Convention européenne des droits de l’homme ainsi que la jurisprudence de la Cour), fédéral et communautaire.
La présente charte éthique s’applique tant à l’adoption nationale qu’à l’adoption internationale, à l’adoption extrafamiliale que, mutatis mutandis, à l’adoption intrafamiliale. Dans l’hypothèse de l’adoption internationale, elle engage la Communauté française à une collaboration active, qualitative et respectueuse avec ses partenaires étrangers, afin de promouvoir ensemble les principes fondamentaux partagés. Chacun des principes suivants de la charte doit être lu dans cette optique :
Donner une famille à un enfant et non un enfant à une famille - Respecter le principe de double subsidiarité de l'adoption
Conformément à ses engagements internationaux, la Communauté française envisage certes l’adoption comme une institution de parenté et de filiation, mais d’abord prioritairement comme une mesure de protection de l’enfant, l’intérêt supérieur de l’enfant l’emportant sur les besoins ou les désirs des adultes.
En conséquence, la Communauté française promeut, dans tous les cas et dans la limite de l’intérêt supérieur de l’enfant, la subsidiarité de l’adoption par rapport au maintien ou à la réintégration dans la famille d’origine, ainsi que la subsidiarité de l’adoption internationale par rapport au maintien ou à la réintégration dans la famille d’origine et à une solution familiale permanente dans le pays d’origine. La Communauté française reconnaît qu’il n’existe pas de « droit d’adopter », même si les candidats adoptants ont des droits dans la procédure.
Promouvoir le respect de chaque personne concernée : enfant, parents et famille d'origine, parents et famille adoptifs
La Communauté française garantit sans discrimination l’accès à son dispositif d’adoption. Toute personne est traitée avec respect et considération pour sa vie privée et familiale, sa demande, sa souffrance éventuelle et sa différence. Chaque situation est considérée de façon unique et singulière.
Promouvoir un accompagnement de qualité des parents d'origine qui envisagent de confier leur enfant en adoption
La Communauté française respecte le projet, élaboré par certains parents, de confier leur enfant en adoption. Elle leur offre l’accompagnement nécessaire à une décision libre et éclairée. Elle les informe en particulier des aides disponibles pour prendre en charge eux-mêmes leur enfant s’ils changent d’avis, ainsi que des conséquences d’une adoption. Elle reste à leur disposition pour tout soutien ou information.
Promouvoir un projet de vie permanent pour chaque enfant
La Communauté française rappelle que tout enfant a besoin, autant que possible, d’une continuité et d’une stabilité dans sa prise en charge. Elle promeut en conséquence la recherche, pour tout enfant, du projet de vie permanent, et si possible familial, le plus adapté à ses circonstances et spécificités.
Cette recherche implique prioritairement l’offre d’un soutien proactif à la famille d’origine en vue, dans la mesure de l’intérêt supérieur de l’enfant ainsi que de la volonté et des possibilités de la famille, du maintien ou de la reprise des liens avec l’enfant, voire de sa réintégration familiale.
Dans les hypothèses exceptionnelles où, en dernier ressort et malgré l’absence de consentement des parents à l’adoption, celle-ci est considérée par les intervenants et les autorités compétentes comme la mesure d’aide la plus adéquate, dans le respect des conditions légales applicables, la Communauté française promeut la recherche de candidats adoptants ouverts à la situation particulière de l’enfant et de sa famille d’origine.
Une collaboration spécifique est développée sur ce point entre les intervenants de l’aide à la jeunesse (en Communauté française et dans les pays d’origine) et ceux de l’adoption, fondée de façon explicite sur les principes de priorité à la famille d’origine et de subsidiarité de l’adoption.
Promouvoir une évaluation qualitative de l'adoptabilité des enfants, ainsi que leur préparation et leur participation au projet d'adoption
La Communauté française promeut une évaluation qualitative et individualisée de l’adoptabilité juridique, psychologique, sociale et médicale des enfants proposés en adoption.
Elle ne valide la proposition d’enfant que pour les enfants qui peuvent effectivement bénéficier d’une intégration familiale et pour lesquels aucune prise en charge familiale permanente ne peut être envisagée, dans leur intérêt supérieur, au sein de leur famille ou, le cas échéant, de leur pays d’origine.
Elle s’assure que les enfants bénéficient d’une préparation adéquate à leur adoption et qu’il est tenu compte de leur avis, dans la mesure de leur compréhension.
Soutenir de façon adaptée l'adoption des enfants à besoins spécifiques
La Communauté française s’engage dans un soutien adapté à l’adoption des enfants adoptables aujourd’hui en attente de parents, sur son territoire et dans le monde, à savoir les enfants dits « à besoins spécifiques » (grands, et/ou présentant un problème de santé ou un handicap, et/ou en fratrie).
Dans ce cadre, les professionnels et les autorités sont particulièrement attentifs au respect d’une part des besoins et des limites des enfants adoptables, d’autre part du projet familial des candidats adoptants et de ses limites, de même qu’aux aptitudes et disponibilité particulières nécessaires.
La Communauté française engage en conséquence des efforts particuliers pour adapter les principales étapes du processus d’adoption : évaluation de l’adoptabilité et préparation des enfants ; information, préparation, évaluation de l’aptitude et accompagnement des candidats adoptants ; coopération avec les services prenant en charge les enfants ; apparentement ; suivi post-adoptif.
L’adoption d’enfants à besoins spécifiques étant une pratique délicate engageant les familles de façon singulière, la Communauté française mène une évaluation périodique de ses pratiques, encourage la recherche et s’informe régulièrement des connaissances acquises dans d’autres pays d’accueil ainsi que des besoins des pays d’origine, sans oublier ceux des enfants à besoins spécifiques adoptables sur son territoire.
Promouvoir et soutenir la professionnalisation des intervenants
La Communauté française exerce ses compétences conventionnelles et légales soit directement par l’Autorité centrale communautaire, soit par délégation à des organismes d’adoption agréés (OAA) qu’elle contrôle.
Elle opte pour le professionnalisme et la spécialisation des intervenants à toutes les phases du processus : accompagnement des familles d’origine ; vérification de l’adoptabilité et préparation des enfants ; information, préparation, évaluation de l’aptitude et accompagnement des candidats adoptants ; apparentement ; accompagnement de toutes les personnes concernées et suivi post-adoptif.
Consciente des compétences interdisciplinaires spécifiques mises en jeu en matière d’adoption, ainsi que des découvertes et expérimentations permanentes dans ce domaine, la Communauté française s’engage à soutenir le développement et la mise en commun des connaissances et des pratiques de ses professionnels et autorités en leur garantissant les moyens d’assurer une formation continue, un travail en réseau ainsi que des partages de pratiques, intervisions et supervisions.
Pour protéger les enfants et les familles, elle pose comme règle, sauf situation exceptionnelle encadrée par l’Autorité centrale communautaire, le passage des candidats adoptants par un OAA agréé.
Dans la mesure de ses moyens, la Communauté française s’engage à promouvoir un financement des OAA ainsi que des autres initiatives d’accompagnement, qui ne soit pas lié au nombre d’adoptions réalisées mais bien à un accompagnement de qualité de toutes les personnes concernées (enfants, familles d’origine, candidats adoptants, familles adoptives).
Promouvoir une véritable coresponsabilité avec les pays d'origine dans les situations d'adoption internationale
En matière d’adoption internationale, la Communauté française assume une véritable coresponsabilité avec les pays d’origine, dans le respect de leurs compétences mais aussi en évitant de les soumettre à une pression ne correspondant pas aux besoins de leurs enfants adoptables.
Elle mène pour ce faire une politique proactive de développement de collaborations qualitatives, en s’assurant dans toute la mesure du possible de leur fiabilité. Elle s’engage en faveur de la formation continue de ses partenaires étrangers, et évalue régulièrement avec eux la collaboration mutuelle.
Promouvoir une information, une préparation, un accompagnement et un soutien de qualité des candidats adoptants au long de la procédure
Reconnaissant, particulièrement dans les circonstances actuelles, que le processus d’adoption peut constituer non seulement une source de joies mais également une mise à l’épreuve, la Communauté française garantit aux candidats adoptants une information, une préparation, un accompagnement et un soutien adaptés au long de la procédure, tout en favorisant leur responsabilisation et leur cheminement singulier. Elle veille au respect de leur projet et de ses limites.
Elle développe une information qualitative au sujet des enfants en besoin d’adoption sur son territoire et dans le monde, de l’évolution de la politique des pays d’origine, des délais d’attente et des coûts prévisibles pour les candidats adoptants.
Chaque candidat adoptant bénéficie d’une information individualisée sur le traitement de sa demande, les critères d’évaluation de son aptitude et d’élaboration de son projet ainsi que les raisons des éventuelles difficultés ou limites liées à celles-ci, voire d’un éventuel avis ou d’une éventuelle décision réservés ou négatifs. Les personnes qui le demandent peuvent également être orientées vers un professionnel ou un service compétent, dans un processus de renoncement à la parentalité adoptive.
Lorsque leur projet est accepté, les candidats adoptants bénéficient régulièrement d’une information individualisée sur l’évolution de leur dossier en Belgique et, le cas échéant, dans le pays d’origine, ainsi que d’un accompagnement individualisé dans l’attente, la rencontre avec l’enfant et la création du lien adoptif, et dans leurs démarches judiciaires et administratives.
Promouvoir une évaluation qualitative de l'aptitude des candidats adoptants
Comme une expérience internationale de plusieurs décennies, notamment autour des échecs de l’adoption, le démontre, l’adoption, mode de parentalité spécifique, suppose des aptitudes particulières chez les parents adoptifs. Toute personne susceptible d’être un parent biologique adéquat n’est pas nécessairement un candidat adoptant apte. Un avis réservé ou négatif sur l’aptitude de candidats adoptants n’implique pas un jugement sur leur valeur personnelle ni sur leurs qualités parentales potentielles, mais sur l’adéquation de celles-ci à des enfants marqués par des séparations, et potentiellement par des traumatismes, ainsi qu’à leurs besoins spécifiques.
Promouvoir un examen des candidatures à l'adoption centré sur les besoins des enfants adoptables
Eu égard à l’inexistence d’un « droit d’adopter », ainsi qu’à ses engagements internationaux de garantir l’aptitude des candidats adoptants, la Communauté française considère les conditions imposées par le Code civil comme minimales. Ces conditions incluent d’ailleurs la préparation ainsi que l’aptitude légale, médicale et psychosociale à ce type particulier de parentalité.
Dans la logique de la promotion prioritaire de l’intérêt des enfants, la Communauté française considère qu’un jugement d’aptitude générale, prononcé par le tribunal de la jeunesse, ne confère aucun « droit » à un enfant. La possibilité effective de réaliser un projet d’adoption dépend des besoins des enfants adoptables ainsi que de l’évaluation différenciée des ressources de chaque (couple) candidat par rapport à un enfant déterminé.
Des candidats adoptants jugés aptes par le tribunal peuvent donc voir leur projet refusé par un OAA parce qu’il ne rencontre pas, à ce moment, les besoins des enfants adoptables ou, le cas échéant, les conditions posées par le pays d’origine souhaité, ou que la liste d’attente est trop longue - et ce sans que leur aptitude générale à adopter soit remise en cause.
Promouvoir un apparentement individualisé
La Communauté française promeut le professionnalisme d’un apparentement le plus individualisé possible, le projet et les aptitudes des candidats adoptants étant mis en corrélation avec les caractéristiques et les besoins de l’enfant proposé. Toutes autres choses étant égales, l’ordre chronologique d’inscription des candidats adoptants sur la liste d’attente est respecté.
Les candidats adoptants sont soutenus dans l’évaluation de la proposition d’enfant qui leur est faite, et accompagnés dans leur décision.
Offrir un suivi et un accompagnement post-adoptifs de qualité
Reconnaissant que l’adoption constitue un mode spécifique de parentalité et de filiation impliquant souvent non seulement des joies mais aussi des souffrances originelles pour certaines des personnes impliquées, la Communauté française s’engage en faveur d’un suivi et d’un accompagnement post-adoptifs de qualité à l’intention des adoptés, des parents et des familles adoptifs.
Cet accompagnement s’applique également, dans le respect des normes applicables, aux questions relatives à la recherche de ses origines par l’adopté, ainsi qu’aux demandes d’informations et de contacts entre l’adopté et la famille d’origine.
Promouvoir la transparence financière et contribuer à la lutte contre les abus dans l'adoption internationale
Consciente que les déséquilibres pouvant exister entre les partenaires dans l’adoption internationale constituent un facteur de risque au détriment des enfants, des familles et des pays d’origine, la Communauté française promeut la transparence financière de tous les payements, qui doivent être proportionnés au coût de la vie local et justifiés par une prestation professionnelle. Ils ne peuvent servir à se procurer ou à choisir un enfant. Les éventuels dons au pays d’origine ou à ses organismes doivent intervenir après l’apparentement.
Dans le cadre de ses relations avec les pays d’origine comme avec les autres pays d’accueil, ainsi que dans les forums internationaux, la Communauté française collabore activement à la lutte contre tous les abus de l’adoption internationale. Elle y procède de façon pragmatique qui prenne aussi en compte le besoin des enfants effectivement adoptables de trouver une famille adoptive.
Évaluer régulièrement le dispositif
La Communauté française procède à une évaluation périodique de son dispositif d’adoption, y compris de sa charte éthique. Elle prend des mesures concrètes pour que cette évaluation inclue la prise en considération du point de vue des adoptés, des parents d’origine, des parents adoptifs, des candidats adoptants, du secteur de l’aide à la jeunesse et des pays d’origine.